Vous êtes aujourd’hui président du directoire du réseau Giphar. Quel a été votre parcours ?
Benoît Le Gavrian : J’ai un parcours atypique par rapport à la fonction que j’occupe aujourd’hui, ayant passé toute ma carrière du côté des industriels. J’ai débuté en tant que commercial terrain chez Danone en Andalousie pour la marque Lu avant d’évoluer et de prendre une fonction d’encadrement commercial sur les produits frais au siège, à Barcelone. J’ai ensuite entamé un cycle d’une quinzaine d’années dans des entreprises américaines, chez Gillette puis Procter & Gamble (P&G), où j’ai pu développer des compétences de leadership et de stratégie d’entreprise. Lorsque P&G a revendu la société Duracell, l’opportunité de prendre la Direction Générale de Duracell s’est présentée, avec l’objectif d’y développer la branche France-Benelux. C’était une aventure passionnante autour d’une dimension entrepreneuriale forte, le recrutement d’une équipe et l’ouverture de bureaux dans différents pays. J’ai ensuite été attiré par le monde de la pharmacie, en rejoignant d’abord en tant que directeur général Europe, la société H&H dans les domaines de la santé, de la nutrition et de la puériculture. Enfin, à l’été 2022, j’ai eu l’occasion de basculer côté distributeur en rejoignant Giphar avec la volonté de poursuivre dans un secteur que j’affectionne particulièrement.
Comment décririez-vous le réseau Giphar ?
B. L. G. : Giphar est le premier réseau de pharmacies sous enseigne en France. Il a la particularité d’avoir décidé, il y a une quinzaine d’années, d’intégrer complètement sa logistique de manière verticale, à travers un stockage des produits en entrepôts redistribués ensuite en officines. Cela permet aux adhérents de recevoir en une seule livraison la majorité de leurs besoins du jour pour le lendemain. La promesse n°1 de Giphar, c’est la simplification au quotidien pour le pharmacien et le gain de temps, que l’on estime à un jour par semaine en équivalent temps plein. La promesse n°2, c’est qu’une officine Giphar a aujourd’hui deux points de rentabilité en plus qu’une officine comparable, grâce au gain de temps mais aussi à la massification des achats.
La promesse n°1 de Giphar, c’est la simplification au quotidien pour le pharmacien et le gain de temps.
Giphar a récemment ouvert sa 4ᵉ plateforme logistique à Ouges, aux portes de Dijon. Pouvez-vous nous en dire plus ?
B. L. G. : Dans la pharmacie, vous devez livrer des médicaments en 24 heures. La proximité territoriale est donc très importante. Nous avions jusqu’ici une plateforme dans l’Oise, une à Angers ainsi qu’une troisième à Montpellier. Ouvrir une 4ᵉ plateforme dans la zone du Grand Est était alors une nécessité pour couvrir cette zone, livrer plus aisément les 220 pharmacies Giphar de cette région et être en capacité d’en accueillir de nouvelles. Notre intégration logistique verticale nous donne un avantage compétitif important, et cette nouvelle plateforme est un véritable atout pour assurer la couverture géographique du réseau et gagner en temps et en efficacité.
Le secteur fait aussi face à des difficultés de recrutement et à des pénuries…
B. L. G. : Nous sommes, bien sûr, touchés par ces sujets. Sur la question de la pénurie de médicaments, le secteur est fortement impacté. Le taux de service est de plus en plus bas et cela représente un vrai sujet de préoccupation. Nous essayons, avec l’ensemble des organismes, de limiter l’impact pour les citoyens afin de placer la santé au centre des priorités, mais il est difficile de coordonner l’ensemble des acteurs concernés. Pour le recrutement, nous cultivons un vivier d’adjoints pour les accompagner dans leurs projets de cession, de transfert ou d’ouverture. Nous avons aussi mis en place un partenariat avec Pôle Emploi pour former au métier non pas de pharmacien – car ce n’est pas autorisé – mais aux fonctions de backoffice, de merchandising ou de gestion de stock avec une formation commune pour aider les pharmacies à recruter. Nous avons aussi lancé une formation diplômante avec l’école Audencia pour permettre aux pharmaciens adjoints de reprendre une pharmacie autour des volets de gestion et management et compléter leur expertise au-delà de la santé. Giphar essaye d’être créatif, à l’image d’une initiative lancée avec notre entrepôt d’Ouges dans le cadre de notre politique RSE, avec la livraison des officines en vélo cargo. Les premiers retours sont excellents, ce qui nous conforte dans l’idée de dupliquer ce mode de livraison ailleurs en France ! À terme, nous axerons nos actions autour de 5 grands piliers que sont la qualité de service aux adhérents, l’excellence opérationnelle, la santé militante, le développement de notre marque propre et la RSE.
Comment jugez-vous l’importance du modèle ?
B. L. G. : Cela nous permet, tout d’abord, d’aller plus vite dans la prise de décisions en mobilisant rapidement nos adhérents et de réagir en conséquence, à l’opposé d’une entreprise internationale qui possède généralement des bureaux éclatés dans le monde et peut donc rencontrer de réelles difficultés à prendre les décisions rapidement. Je parle en connaissance de cause, au vu de mes expériences passées. Cet aspect est primordial dans la réussite du réseau et des coopératives, en générale.
Comment les associés s’investissent-ils au sein du réseau ?
B. L. G. : Nous avons au niveau national une double instance avec un Bureau National réunissant 28 pharmaciens élus par les régions pour un maillage territorial complet. 14 d’entre eux composent le Conseil de surveillance, essentiel pour la prise de décision rapide en amont de l’AG annuelle. Des de travail se réunissent aussi tout au long de l’année, au nombre de 5, qui permettent de couvrir toutes les spécificités de notre métier. Deux fois par an, nous effectuons des réunions en région, avec un découpage en 12 régions sur le modèle de l’Agence Régionale de Santé, pour rencontrer nos adhérents et maintenir le lien avec eux, en complément de réunions mensuelles que nous pouvons mener au gré de l’actualité.
Les questions de RSE prennent naturellement une importance croissante. Comment Giphar se positionne-t-il ?
B. L. G. : Nous avons, bien sûr, initié des bonnes pratiques quotidiennes. Nous gérons des entrepôts qui sont en température contrôlée, c’est-à-dire entre 15 et 25 degrés comme l’impose la norme. Nous devons ainsi aménager ces bâtiments pour être le plus « eco-friendly » possible, avec notamment l’installation de panneaux solaires sur les toits, un travail sur les orientations solaires ou encore la végétalisation des espaces. Mais les variations de températures, tant en hiver qu’en été rendent obligatoirement plus énergivores ces grandes surfaces, couplées à cette obligation de régulation de température. Nous essayons toutefois en parallèle de limiter les livraisons en officine, de les centraliser pour réduire l’empreinte carbone de livraison, avec la question des fameux derniers kilomètres, considérés comme plus polluants. Comme évoqué précédemment, nous avons aussi voulu innover en proposant la livraison des officines en vélo cargo, une tendance qui pourrait s’étendre et devenir une nouvelle solution plus respectueuse à l’avenir. Notre marque propre Laboratoire Giphar privilégie les ingrédients d’origine naturelle, limite ses emballages et favorise les conditionnements recyclables. Nous travaillons, en parallèle, sur une approche globale approfondie sur les enjeux de RSE et notre contribution.
Quels sont les projets et perspectives du réseau pour les mois à venir ?
B. L. G. : J’identifie principalement 5 actions prioritaires que nous souhaiterions développer dans les mois et années à venir :
- Tout d’abord, assurer une qualité du service à nos adhérents afin qu’ils soient nos premiers ambassadeurs.
- Ensuite, nous devons impérativement disposer d’une excellence opérationnelle au quotidien, à tous les étages de la fusée, pour toutes les fonctions.
- Nous lançons aussi un programme de « Santé Militante ». Giphar est le réseau qui fait beaucoup plus d’entretiens spécialisés auprès de ses patients que la moyenne nationale. Nous souhaitons diversifier, compléter le rôle du pharmacien autour de la prévention, de l’échange et du suivi patient.
- La RSE, comme nous l’avons évoqué précédemment sera naturellement un enjeu fort pour nous et plus globalement pour l’ensemble de notre secteur au vu des contraintes auxquelles nous devons faire face.
- Enfin, le développement de notre marque propre Laboratoire Giphar lancée il y a 4 ans est là aussi un véritable sujet pour le réseau, avec des nouveautés à venir. Elle est à la fois vectrice de marge pour nos adhérents et accessible pour nos patients.
Giphar Groupe en chiffres :
- Fondé en 1968
- 1250 pharmacies
- 2,3 Md€ TTC de chiffre d’affaires en 2022