Demander la lune. La France, si elle souhaite rester compétitive sans renoncer au lien social qui en fait une nation et non une simple start-up, doit se doter d’un grand plan commerce ambitieux qui lui permette d’embrasser demain avec l’optimisme de ceux qui se savent bien préparés.
Le 1er décembre 2021, au 139, rue de Bercy, à Paris. On joue à guichet fermé au ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance. Après de longs mois de préparation frénétique, aux 12 coups du brigadier, le rideau s’ouvre enfin sur les Assises du Commerce et sa troupe composite, dont l’impatience frôle l’agitation. C’est la première de cette grande œuvre collective dont la représentation s’étend sur trois semaines au rythme d’échanges riches et nourris. Personne dans l’assemblée n’ignore pourtant le danger du mot « assises », chargé d’une solennité qui tire dangereusement vers le pompeux et le verbiage. Il faut donc sans trembler opposer un démenti à l’a priori.
La critique est unanime : c’est un succès. Et quel succès ! Imaginez un peu que le commerce français, dont on aime tant louer la polyphonie pour mieux en déplorer la cacophonie, est parvenu à asseoir autour d’une même table tous ses acteurs, et ces derniers à accorder leurs violons autour d’une vision stratégique commune propulsant tout le secteur dans le 21ᵉ siècle. Et sous les feux de la rampe : la mise en place d’un Conseil National du Commerce. Mais, les mois passèrent sans que rien ne se passât. Ou du moins rien jusqu’à cette annonce récente et impromptue du gouvernement de la création du CNC.
Ce n’est pas un secret : les discussions sont âpres et l’on marche sur un fil. Faut-il vraiment que des guerres picrocholines aient raison d’un projet que tous nous appelons de nos vœux ? Bien sûr, l’intérêt supérieur du commerce doit primer sur les intérêts particuliers et les clivages partisans. Pour cela, il faut donc choisir d’additionner plutôt que de diviser ou de soustraire. C’est bien à cela que s’emploie avec ambition et conviction le CDCF porté par l’ensemble des fédérations du commerce.
Écoutant le ministre de l’Économie dans ses vœux aux acteurs économiques ne jamais prononcer le mot « commerce », je me replonge dans le souvenir inaltérable de mes pérégrinations pédestres familiales le jour du réveillon de fin d’année sur l’île de Ré, au détour desquelles nous tombons sur le merveilleux marché médiéval de La Flotte animé par ses commerçants d’aujourd’hui qui côtoient le souvenir de ceux d’autrefois. Dans le joyeux tumulte de cette comédie humaine se rejoue une scène séculaire, celle d’un acte social fondateur en ce qu’il produit de la sociabilité. Faire le choix de la rencontre et de l’échange c’est faire celui d’une société unie.
Dès lors, demander à ce que le commerce soit considéré pour ce qu’il est, une force sociale, économique et culturelle, reviendrait-il vraiment à demander la lune ? La réponse au prochain épisode.
Olivier Urrutia, délégué général de la Fédération du Commerce et Associé.