L’hydre de Lerne est sans doute ce qui symbolise le mieux le phénomène d’inflation législative et normative, véritable tyrannie de la quantité au détriment de la qualité. Supprimez une norme et voilà que dix autres apparaissent aussitôt. Ce n’est pourtant pas faute des tentatives de quelques intrépides héros de terrasser le monstre mais celui-ci attend toujours qu’on lui fasse rendre grâce.
Partout dans le monde, la France est réputée pour la beauté de ses paysages, la finesse de sa langue, la richesse de sa gastronomie ou encore sa quête perpétuelle de l’esthétisme. Mais, à quoi bon le nier, elle l’est tout autant pour son goût immodéré de la chose administrative et réglementaire. Les commerçants en savent quelque chose, eux qui, pleinement engagés dans la nécessaire transformation environnementale, énergétique et numérique de leurs commerces, sont confrontés au quotidien à l’aberration législative et normative. En effet, dans un contexte rendu instable et incertain par une succession de crises complexes qui requerrait de la simplicité, subsiste au contraire un empilement de règles sans cohérence générale, parfois appliquées de manière arbitraire et inique. Cette forme de double peine propre à décourager même les plus hardis menace très sérieusement la liberté d’entreprendre.
Malgré les promesses réitérées de lutte contre le flux de nouvelles normes, la machine, folle, continue sur son régime de surproduction avec pour conséquence l’adoption tous azimuts de normes parfois contradictoires, contreproductives et inintelligibles qui rognent de plus en plus sur l’exigence de qualité. Tout cela conduit à l’impossibilité pour l’entreprise de connaître la loi et d’organiser ses comportements d’investissement ou de consommation en fonction de celle-ci, ce qui contrevient gravement à l’état de droit en créant les conditions d’une insécurité juridique.
On serait en droit d’attendre du politique que, tel un jardinier, il soit enclin à élaborer les meilleures conditions pour favoriser l’éclosion et la croissance de ces gisements de création de valeur, d’emploi et d’innovation que sont les petites et moyennes entreprises. Ces dernières constituent 99,9 % des entreprises en France et contribuent à 50 % de la valeur ajoutée du tissu productif. Mais c’est, hélas, à une frénésie régulatrice à laquelle nous assistons. On a la main verte ou on ne l’a pas !
À Athènes, dans l’Antiquité, Tysamenes s’était quant à lui employé à résoudre le problème en introduisant une réforme constitutionnelle afin de rendre directement responsables les auteurs de projets de lois des conséquences et de l’efficacité de celles-ci. Sans aller jusque-là, il serait peut-être bon, en revanche, que ceux qui décident des lois et des normes soient également soumis à leurs effets.
Olivier Urrutia, délégué général de la Fédération du Commerce et Associé.