PRN, et plus largement le Vidi, ont connu une croissance phénoménale ces dernières années. Quelles sont les clés de ce succès ?
Antoine Godefroy : Quand j'ai démarré, nous n'étions que 17 médecins. Nous nous apprêtons aujourd'hui à accueillir le 41ᵉ. C'est une croissance significative en seulement six ans, grâce à une structuration solide. Nous avons développé une gestion RH et financière rigoureuse, passant d’une petite société à une entreprise capable d'absorber des certifications et de gérer des reportings à tous les niveaux. Mon rôle a évolué en parallèle, je suis aujourd’hui Président de PRN. Cette croissance a nécessité un engagement de chacun au quotidien, pour se donner un destin commun sans renoncer à l’autonomie et à l’indépendance de chaque associé. C’est un véritable défi de faire en sorte que tout le monde avance dans la même direction.
Vous parlez de la difficulté de gérer un grand nombre d'associés. Comment faites-vous pour prendre des décisions stratégiques importantes dans ce cadre ?
A. G. : Il y a un véritable travail diplomatique et politique à mener en amont. Nous avons un comité de direction qui se réunit chaque semaine, et pour les décisions les plus importantes, nous passons par des assemblées générales trois à quatre fois par an. Les décisions ne peuvent pas être prises de manière arbitraire : à titre d’exemple, je ne peux pas engager de dépense supérieure à 50 000 euros sans l’accord des associés. La décision collective est au cœur de notre fonctionnement. Et elle suppose de la transparence dans les échanges et la communication, d'où l'importance d’avoir des outils efficaces, comme les visioconférences thématiques que nous organisons régulièrement.
Gilbert Beissy, vous êtes arrivé il y a un peu plus d'un an dans ce secteur. Comment percevez-vous la structuration actuelle de ces groupements médicaux, et quels sont les défis à relever pour le futur ?
Gilbert Beissy : Effectivement, j’ai rejoint le secteur il y a peu, après avoir travaillé dans l’hospitalisation privée. Ce qui est essentiel, c’est la force du médical et administratif. Beaucoup de médecins comprennent aujourd’hui qu’il est très difficile de gérer seuls certains aspects, surtout quand ça n’est pas son cœur de métier. Aujourd’hui, une structure administrative solide est indispensable pour être performant. Nous avons renforcé notre organisation avec une cellule qualité, des formations, et plus récemment, un focus sur la cybersécurité. Les défis sont nombreux, notamment avec l'essor de l'intelligence artificielle et la gestion des ressources humaines. Seul, on ne peut pas être sur tous les fronts. Le travail collectif devient crucial, en particulier dans le domaine de l’imagerie médicale qui requiert des investissements lourds, des équipements médicaux coûteux et beaucoup de formation continue.
En matière d'intelligence artificielle justement, quels sont les enjeux pour votre activité ?
A. G. : L'intelligence artificielle représente à la fois une opportunité et un défi. Dans l’imagerie médicale, l’IA est déjà utilisée pour des tâches spécifiques, comme la détection d’anomalies sur des radiographies. Nous avons par exemple intégré Milvue, un logiciel d'IA qui nous aide à calculer des angles ou à repérer des foyers infectieux sur des images thoraciques. Pour l’instant, l’IA ne fonctionne pleinement que pour des examens de base. Les technologies avancées, comme le scanner ou l’IRM, demandent un peu plus de développement. Le principal enjeu est d’intégrer l’IA pour améliorer la qualité des soins, la prise en charge des patients, mais aussi pour augmenter la productivité, qui est un enjeu crucial pour faire face à la désertification médicale et au vieillissement de la population. C’est un changement de mentalité pour les professionnels, car certains sont tentés de voir cette technologie comme une menace. Or l’IA ne remplace pas le médecin, elle l’assiste. Le véritable défi est de bien l’utiliser, en s'assurant que cela reste un outil d’aide à la décision.
Comment anticipez-vous l’avenir en matière d'organisation et de stratégie, notamment face à la concurrence et aux évolutions technologiques ?
G. B. : Le recrutement est un défi majeur. Nous avons la chance d’être proches d’un CHU qui nous permet de recruter facilement des médecins et des manipulateurs en électroradiologie. Nous comptons également beaucoup sur l’apprentissage pour former nos futurs professionnels. Mais au-delà du recrutement, il faut réussir à accompagner le changement. Les pratiques évoluent, et le métier aussi. Il y a dix ans, l’automatisation en biologie médicale a permis de traiter un plus grand volume d’examens tout en améliorant la précision. L’imagerie médicale suivra le même chemin avec l’aide de l’IA. Et pour cela, il faut anticiper et former les équipes dès maintenant.
Il est clair que l’avenir sera marqué par la numérisation des processus et l’optimisation des coûts. Nous sommes déjà en train de repenser nos organisations pour intégrer des nouvelles technologies comme le « cockpit virtuel », où un manipulateur pourrait gérer à distance plusieurs IRM. Nous réfléchissons aussi à l’automatisation de l'accueil des patients. L’objectif est de donner plus d’autonomie et de liberté au patient, tout en assurant une offre de service là où ce serait impossible aujourd’hui, pour des raisons de coût ou de manque de personnel.
A. G. : Nous devons compter avec des contraintes de plus en plus fortes, notamment économiques. Le coût des équipements a augmenté, tout comme nos charges, à commencer par l’énergie. Le gouvernement souhaite limiter la diversification des grands centres, mais il faut bien comprendre qu’un petit centre n’est plus viable économiquement aujourd’hui. Il faut mutualiser les moyens et optimiser l’utilisation des ressources. C’est l’essence même du modèle et associé, et c’est ce qui fait son succès ! n