Après une introduction d’Éric Plat, Président de la Fédération du Commerce et Associé, rappelant toute la complexité à laquelle fait face le commerce d’aujourd’hui : « Produits, services, emplacement, marketing, pub, réseaux sociaux, tout le monde comprend, mais IOT, BI, blockchain, chatbot ça devient carrément du chinois, même si ça vient bien souvent des USA ». Laurent Alexandre, chirurgien-urologue de métier et fondateur de Doctissimo a largement alerté sur les avancées spectaculaires de l’intelligence artificielle et l’inertie de nombreux acteurs face à celles-ci : « Oui le commerce a un bel avenir mais il va falloir que les acteurs s’unissent en termes de stratégies informationnelles, on ne peut avoir 1 000 stratégies informatiques du commerce face à Amazon où le budget de R&D d’ici quelques années sera de 20 à 25 milliards ».
Des propos sur lesquels ont rebondi les experts de la première table ronde en précisant leur argumentation selon leur domaine de compétences.
Pour le sociologue Jean Viard « Jamais le monde n’a changé aussi vite. L’anthropologie est bousculée par les nouvelles technologies. Il est impossible pour nous sociologues de faire de la prospective. Nous sommes passés à une société qui cherchait une stabilité à une société de discontinuité. Elle génère pour l’individu de plus en plus de temps, le laissant de plus en plus libre, lui permettant de créer de plus en plus de liens. Aux commerces de saisir ces opportunités ».
Pour Mercedes Erra, Présidente Exécutive d’Havas Worldwide, « il y a une tendance quasi-universelle qui est celle que la société ne va pas bien. Il existe un emballement agité amenant une forte inégalité, de grandes discriminations, une inertie politique face à ces changements et une inquiétude assez forte envers la consommation. Alors qu’elle indiquait le progrès il y a quelques années, la consommation évoque aujourd’hui la distance ; les entreprises sont désormais jugées sur leur comportement envers le consommateur mais aussi envers la planète ; la quête de sens est là bel et bien réelle ».
« Il y a un horizon des possibles sous condition qu’il y ait de la confiance » rajoute Jean-Louis Bancel, Président du Crédit Coopératif. « Cette confiance est possible par la voie coopérative où chaque individu est maître de son destin ; nous avons la stature pour nous transformer en coopérative de données en évitant pour l’individu ce sentiment de dessaisissement ».
A Cédric Ducrocq, Président du Groupe Dia-Mart, de conclure qu’il y aura des érosions d’adaptation notamment dans les surfaces de magasins. La question réelle étant de savoir si on saura encore faire des magasins rentables d’ici 2030. « Le commerce doit résoudre une équation économique compliquée qui est celle d’aller vers un modèle de magasin plus exigeant, coûtant plus cher, tout en défiant les pure players en termes de prix proposés. Il y a aujourd’hui une réelle remise en cause de nos acteurs, une volonté de remise en état de l’innovation en audace et en radicalité ».
Enfin, les acteurs du Commerce Coopératif et Associé ont fait part de leurs réflexions et de leurs stratégies face à ces évolutions dans une seconde table ronde.
« Nous ne pouvons plus attendre que le consommateur vienne à nous, c’est à nous de venir à lui. Nous avons fait le choix chez E.Leclerc de dématérialiser l’hyper par le drive, la livraison voiture et aujourd’hui le drive piéton. Nous nous devons de fabriquer notre propre méthode car le format majeur ne recrute plus » souligne Thomas Pocher, adhérent E.Leclerc à Lille et créateur du Drive piéton.
Pour Dominique Schelcher, Président de Système U, il y a certes des destructions mais aussi de grandes opportunités de créations. « On s’empare chez U de la technologie pour le business, le relationnel via les réseaux sociaux et pour toute la transformation interne. En ce sens, nous ouvrons un chantier majeur qui est de simplifier notre exploitation et trouver des liens de productivité grâce à la technologie ».
« Nous mutons notre modèle pour relever le défi d’Amazon » renchérit Stéphane Solinski, Directeur général de Sport 2000 France. « Le premier chantier est celui de l’offre, notre client doit trouver le produit qu’il vient chercher ; le deuxième celui de la logistique et du réassort quitte à tendre vers de l’hybridation de modèles et le troisième l’investissement dans notre personnel vendeur, un actif décisif du magasin physique ».
Krys Group a lui fait le choix de la verticalisation. « Certes, le « retailer » peut apporter l’expérience client, la qualité du service et de la relation, il peut apporter la fréquence du contact mais il y a également la valeur d’usage du produit à prendre en compte. C’est de ce constat que nous avons fait le choix de notre démarche, celle du développement et de la fabrication de produits exclusifs » déclare Jean-Pierre Champion, Directeur général du réseau.
« Il faut mettre au cœur de nos réflexions le pourquoi de ces investissements. Notre modèle de Commerce Coopératif et Associé a la chance d’avoir ses entrepreneurs locaux pour penser global. L’intelligence prend certes le pouvoir, bouscule le monde économique ; à nous de rentrer dans ce siècle avec la force, les avantages de nos organisations » conclut Eric Plat.